Un autorail d'essais à Veynes, le 29 novembre. © Aurélien Pauchon-Wanner

La ligne TER Grenoble-Gap rouvre dimanche, mais son avenir reste flou

La section entre Vif et Aspres-sur-Buëch de la ligne ferroviaire Gap-Grenoble rouvre le 11 décembre après deux ans de fermeture et 35 millions d’euros de travaux. 18 kilomètres de voies sont neuves, et pourtant, il n'y a pas d’amélioration des temps de parcours et ni plus ni moins de trains qu’en 2020.

On peut dire qu’elle revient de loin. Les travaux réalisés permettent une augmentation de la vitesse, en fait la levée de deux Limitations Permanentes de Vitesse côté Isère, qui devraient en théorie faire gagner 2 minutes 30 de temps de trajet sur Grenoble-Gap. C’est peu, mais il se trouve que ces limitations de vitesse, mises en place en 2018 et en 2019 à cause du mauvais état de la voie, avaient engendré une augmentation de la durée du trajet de 20 à 30 minutes, ce qui s’explique notamment par « la configuration de la ligne, une voie unique qui nécessite des temps d’attente pour le croisement des trains en gare », précise le collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes dans un communiqué. Il faut dire que sur Gap-Grenoble, comme de nombreuses autres lignes dites « de desserte fine du territoire » en France, les temps de parcours sont en constante augmentation.

Sur Veynes-Grenoble, jusqu’en 2017, il n’y a pas si longtemps, tous les temps de trajet étaient inférieurs à 2h, de 1h47 à 1h59. En 2018, brusque augmentation des temps de parcours, dues à la mise en place des limitations de vitesse, passant à 2h06 et 2h24, puis, en 2020, juste avant la fermeture de la ligne, de 2h14 à 2h27. Et aujourd’hui, il faut compter la même chose : de 2h11 à 2h29 entre Grenoble et Veynes, et 2h17 à 2h32 dans l’autre sens, soit 10 à 30 minutes qu’avant la mise en place des limitations de vitesse. L’objectif 2027 du collectif de l’étoile de Veynes : 11 gares desservies, soit 5 de plus, et un temps de parcours de 1h55. A terme, en 2050, l’objectif est de revenir à la situation de 1995, soit 15 gares desservies et 1h50 de trajet. On en est encore loin.

Nicole Tagand

20 km de voies ont été rénovées. Avec la levée des limitations de vitesse, on devrait à nouveau gagner une demi-heure. Comment expliquer que les temps de parcours ne soient pas meilleurs ?

Et bien non. L’explication fournie aux usagers par la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui est autorité organisatrice du transport ferroviaire sur la liaison Gap-Grenoble, explique que « la levée des limitations de vitesse, objet des travaux, a été confirmée le 19 septembre ». Les trains peuvent donc en théorie rouler plus vite. Grain de sable dans la machine : SNCF Réseau n’a pas intégré ce changement dans le tracé des sillons. « La Région AuRA a demandé à ce que les horaires soient retracés en conséquence, c’est-à-dire sans ralentissements ». La situation n’a pas bougé. « La Région AuRA n’a pas obtenu gain de cause, les délais étant visiblement trop courts pour procéder à la correction d’ici la réouverture », indique un communiqué du CEFV. D’après les horaires tracés par SNCF Réseau, les trains rouleront toujours à vitesse réduite sur des portions de voie toutes neuves. Comme si les travaux d’urgence n’avaient pas été faits. Les associations d’usagers entendent « maintenir la pression sur la SNCF » pour que les horaires soient modifiés au service d’été.

Du côté du nombre de trains, rien de bien nouveau. En 2023, il y aura 5 circulations entre Grenoble et Veynes, dont 4 prolongées jusqu’à Gap. Dans l’autre sens, 5 circulations quotidiennes entre Veynes et la capitale des Alpes, dont 4 amorcées à Gap, et un train supplémentaire le samedi. Départs de Grenoble : 8h10, 10h23, 12h54, 16h04 et 18h09. Départs de Gap : 7h11, 11h46, 13h54, 17h44 et 18h56, avec un départ de Veynes en correspondance à 5h25 le matin, départ de Gap à 5h pile. Plusieurs allers-retours en car Gap-Clelles, en correspondance train pour Grenoble, viennent compléter cette grille horaire. Ce que l’on note, c’est la perte de cadencement. Jusqu’en 2020, les départs de Grenoble étaient calés à l’heure +10 minutes ou +13 minutes, et autour de la demie à Gap. Côté fret, le retour du train de gypse Laragne-Chambéry « n'a pas été confirmé », nous indique une source proche du sujet.

Nicole Tagand

Une réouverture à minima

Toute la ligne n’a pas été rénovée et « tous les ralentissements en ligne ne pourront être levés », indique la région AuRA, qui précise que « de nouveaux travaux lourds, identifiés, seront à programmer ». Ces nouveaux travaux, de l’ordre de 80 millions d’euros, devaient à l’origine être entrepris pour 2024, ils se précisent plutôt entre 2025 et 2027, faute de plan de financement qui tarde à se concrétiser. « Les négociations pour le financement de la suite des travaux sont au point mort », écrit le collectif dans un communiqué.

Nicole Tagand

Il faut finaliser l’enveloppe de financement des prochains travaux, mais on n’a plus la menace d’une nouvelle fermeture dans deux ans […], cette menace serait levée et repoussée à 2027

Nicole Tagand - CEFV

L’étude préliminaire pour cette seconde phase de travaux devrait être rendue en début d’année. SNCF Réseau a indiqué récemment « qu’une nouvelle étape de modernisation s’avérera nécessaire avant 2030 ». La ligne reste donc menacée et le CEFV reste vigilant sur l’obtention des crédits pour pérenniser la ligne. C’est aussi le cas du sénateur écologiste de l’Isère, Guillaume Gontard (également conseiller municipal du Percy, dans le Trièves, desservi par la gare de Clelles-Mens), qui s’inquiète de l’avenir de la ligne. « Le trafic reste minimum, déplore-t-il. On sait que même au niveau national, il faut qu’on ait un financement important des transports en commun ».

Guillaume Gontard, sénateur écologiste de l'Isère, sur l'avenir de la ligne

On s’inquiète sur le financement des travaux de cette deuxième phase. Ce sont des contrats de Plan Etat-Région sur lesquels on n’a aucune visibilité

Guillaume Gontard, sénateur écologiste de l'Isère

Dans un courrier du 15 octobre adressé au préfet de région et à Laurent Wauquiez, le président de la région AuRA, Guillaume Gontard et plus de 50 élus locaux (dont le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle, et trois députées de l’Isère), faisaient part de leurs inquiétudes et disaient espérer « que les travaux de régénération de la ligne Grenoble-Veynes-Gap soient bien inscrits dans les crédits contractualisés avec l’Etat ». La question a été posée ouvertement : « pourriez-vous nous indiquer les échéances prévues pour décider de l’engagement de la suite des travaux sur la ligne ? ». Pas de réponse à ce jour.

Toujours est-il que la réouverture se précise. Des trains d’essais roulent depuis le 28 novembre entre Grenoble et Veynes, pour former les conducteurs et les agents de circulation. En attendant, le collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes donne rendez-vous dimanche 11 décembre à midi en gare de Lus-La Croix-Haute pour une vraie-fausse inauguration de la ligne (en l’absence des financeurs des travaux). D’autres rassemblements sont prévus le matin : à 8h30 en gare de Mont-Dauphin, et à 10h en gare de Gap. La fête ne cachera pas l'inquiétude quant à l'avenir de la ligne des Alpes : il manque des agents de circulation dans les gares, « mais au final, il semble qu'à flux tendu on arrive à faire tourner full charge sur la ligne », précise un connaisseur. Rassurant...