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Nouvel hôpital d'Embrun : le terrain proposé était inondable, un nouveau scénario est à l'étude

Jeudi 11 mai 2021. « Des records de pluie ont été battus » titre le Dauphiné Libéré. La veille, la Durance a connu sa plus forte crue depuis 2013. 50mm de précipitations en 24h sur Briançon. En aval, sur le torrent des Vachères « c’est la première fois que j'ai vu les buses sauter » fait remarquer un ancien élu de la commune d’Embrun. Non-loin du débordement, un terrain vierge de la zone dite d'Entraygues III aurait dû accueillir prochainement le nouvel hôpital d'Embrun.

Le torrent des Vachères, Embrun, le 11 mai 2021

Plus de peur que de mal suite à ces intempéries qui rappellent tout de même à nos mémoires les risques d’inondation qui pèsent sur la zone artisanale d'Entraygues située dans la plaine sous le Roc d’Embrun, restée longtemps inconstructible. C’est pour permettre l’extension d’Entraygues II que la commune a renforcé il y a une dizaine d'années une digue construite en 1880-1881. La municipalité apporte alors une première modification à son PPRn - Plan de Prévention des Risques – « après négociation avec le RTM et au vu des avis d’hydrogéologues » rappelle un élu qui a siégé dans le conseil municipal. Depuis, certains types de constructions sont autorisées sur une partie de ce secteur considéré aujourd’hui encore comme inondable, avec des aléas jugés « faibles » à « moyens » selon les parcelles.

PPRn de la zone artisanale d'Entraygues à Embrun

Deux mois avant l'intempérie du 11 mai, le Conseil Communautaire de Serre-Ponçon acte le 1er mars le lancement d'une procédure d'achat de trois hectares de terrain dans la zone artisanale pour un montant estimé à 600 000€. Le calendrier est serré car la Déclaration d'Utilité Publique du terrain arrive à échéance le 21 mars 2021 soit 20 jours après la séance, précipitant probablement le lancement de la transaction. Pour couvrir ses arrières le Conseil Communautaire précise d'ailleurs dans la délibération qu'il sera demandé à la préfète à titre « conservatoire » de « déclencher la saisine du juge de l’expropriation » au cas où les parties ne trouveraient pas d'accord.

Avec 4 autres hectares appartenant déjà à la Communauté de Communes de Serre-Ponçon, le terrain convoité forme l'espace sur lequel L'Agence Régionale de Santé PACA a jeté son dévolu pour construire le nouvel hôpital parmi trois scénarios étudiés : le présent scénario d'« Entraygues III », un terrain situé en face du laboratoire d'analyse médical proche de l'entrée du centre-ville, et la réhabilitation de l'hôpital actuel.

Reste la problématique du risque d'inondation. Car sur l'utilisation des sols de cette zone, le PPRn – Plan de Prévention des Risques Naturels – est clair : « sont interdits : l'implantation de bâtiments destinés aux services de secours ou à l’hébergement d’un public vulnérable [tels que les] hôpitaux,[...] ».

Au sein de l'hôpital d'Embrun, bien avant le Conseil Communautaire lors d'une première réunion interne avec la direction, le terrain d'Entraygues III est présenté au personnel comme la solution retenue. Quelques semaines plus tard, rétropédalage, on annonce cette fois que le terrain est inondable et qu'il ne pourra pas accueillir le nouvel hôpital. Une salariée de l'hôpital s'interroge : « Vous n'allez pas me dire qu'en un mois le terrain est devenu inondable ? Comment la mairie peut nous proposer un terrain si elle savait déjà qu'il était inondable ? ». Peu après lors d'une nouvelle réunion le problème est miraculeusement résolu, puis survient l'épisode de pluies intenses du 11 mai et le scénario semble tomber à nouveau à l'eau selon ce même témoignage.

En parallèle, ram05 a appris que la Communauté de Communes avait sollicité la préfecture pour modifier son PPRn en vue de permettre l'implantation de l'hôpital sur le fameux terrain. Afin d'évaluer les risques réels d'inondation la préfecture sollicite un avis auprès du RTM - Restauration des Terrains de Montagne – alors même qu'il avait déjà statué une impossibilité de construire sur cette zone au moment de l'élaboration du PPRn.

Contactée, la préfecture explique que cet avis du RTM est un « avis technique interne » qui ne peut être communiqué. Pourtant selon nos informations la municipalité d'Embrun en a pris connaissance. Une source proche du dossier qui a souhaité conserver l'anonymat rapporte que l'avis rendu est en fait « un secret de polichinelle » et qu'il conclut à un niveau de risque d'inondation d' « aléa moyen », enterrant définitivement le scénario Entraygues III, en tout cas si la DDT s'en remet aux conclusions du RTM. Un résultat qui n'étonne pas cette même personne : «[Le RTM] avait déjà conclu à un aléa moyen lors d'une précédente évaluation, il n'y avait pas de raison que cela change ».

Si une réunion avec la DDT fin septembre est censée rendre les conclusions officielles, ram05 a appris que le scénario Entraygues III a récemment été mis sur la touche. La maire d'Embrun Chantal Eymeoud veut relativiser le risque lié au scénario avorté. « Les risques de débordement [du Vachères] se situent au niveau sur la route d’accès au site », « rien ne laissait penser que cela poserait des difficultés », explique Chantal Eymeoud, qui assure au sujet des pluies du 11 mai qu' « il n'y a strictement rien eu [sur le terrain] » et que par ailleurs l'ARS - assisté de son maître d'oeuvre – avait validé cette solution « en parfaite connaissance de cause ».

Retour à la case départ donc avec « des recherches [qui] sont en cours » pour trouver un nouveau terrain indique la maire d'Embrun, avec à ce stade trois options : la parcelle du rond-point de Weldom, revenue dans le jeu après avoir été mise de côté au profit du terrain d'Entraygues III. Les deux autres se situent dans un rayon maximum d'un à trois kilomètres maximum par rapport au centre-ville et « dans tous les cas l'hôpital pourra être rejoint par une navette depuis Embrun » garantit Chantal Eymeoud.

Quant à l'option de la réhabilitation sur le site actuel, toutes les personnes interrogées évoquent un coût trop important notamment à cause de la présence d'amiante, sans qu'un montant officiel ne puisse être avancé. Les recettes tirées de la revente du bâtiment en cas de déménagement ne pèsent pas tant que ça dans la balance, elles seraient « de l'ordre de 1 à 2,5 M€ » selon le directeur de l'hôpital Philippe Ronzoni. Elles viendront se soustraire au coût de construction du nouvel hôpital qui a été estimé entre 17 et 20 M€. Selon la maire d'Embrun la rénovation sur le site actuel aurait coûté approximativement 32M€.

Du côté des soignants ce rétropédalage aurait pu susciter un agacement, ou pire, la sensation d'être menés en bateau. Mais pourtant « là franchement à l'heure actuelle ce n'est pas le problème générale » confie une soignante. « Il y a le Covid, le passe sanitaire, les gens sont à bout, et c'est plus à cause du manque de personnel constant sur l'hôpital d'Embrun [...]. Se projeter sur un nouveau projet quand ça va pas dans un hôpital c'est compliqué » fait remarquer une salariée de l'hôpital, avant d'ajouter « mais c'est vrai que ça a soulevé des questions. Comment on a pu nous proposer un terrain qui n'était pas viable au départ ? »