Gap : bientôt une maison de naissance en complément de la maternité ?
Permettre aux femmes de « se réapproprier la naissance » : c’est l’objectif des maisons de naissance, des lieux d’accouchement peu médicalisés récemment autorisés en France. Pour quelles raisons ces structures plébiscitées peinent-elles à émerger, malgré des enveloppes budgétaires existantes et le succès des premières expérimentations ? Éléments de réponses avec le projet de l’association L’Écrin à Gap.
Les femmes souhaitant accoucher dans les Hautes-Alpes ont pour l’instant le choix entre deux maternités, à Gap ou Briançon. L’association L’Écrin porte le projet d’ouverture d’une maison de naissance dans la ville-préfecture. Christine Lepape, sage-femme, en est la co-présidente, elle précise le principe de ce genre de structure.
Voici concrètement comment se déroulerait un accouchement dans cette maison de naissance.
Selon Christine Lepape, pour leur accouchement, certaines femmes enceintes sont en demande de plus d’autonomie que ce que peut leur offrir une maternité.
En matière de démédicalisation de l’accouchement, la France est assez frileuse. De l’avis de l’INSERM, l’institut national de la santé et de la recherche médicale, on observe toujours dans l’hexagone « une sur-médicalisation importante y compris des grossesses dites à bas risque obstétrical avec des fréquences élevées d’interventions comme l’administration d’ocytocine ou encore la réalisation d’épisiotomie ». L’organisme relève aussi un « retard sur ses voisins européens » : la France compte 8 maisons de naissance, alors qu’il en existe « 169 au Royaume-Uni, une centaine en Allemagne ou encore 25 en Suisse », ainsi que « plus de 150 aux États-Unis ».
C’est en 2013 que le parlement a autorisé la création de maisons de naissance à titre expérimental. 8 ont vu le jour deux ans plus tard pour un essai de 5 ans. Le rapport publié en 2018 par l’INSERM concluait que les résultats étaient « très encourageants » pour les 500 femmes y ayant accouché dans l’année, avec « un niveau de sécurité satisfaisant et une très faible fréquence d’interventions ».
En 2021, la France pérennise officiellement le dispositif et se fixe l’objectif de créer 12 nouvelles maisons de naissance avant fin 2022. Bilan : zéro nouvelle ouverture. Et ce alors qu’un sondage Ipsos de 2020 relevait que près d’une femme sur cinq souhaitait ou aurait souhaité un accouchement en maison de naissance.
Comment expliquer ce paradoxe ? Contacté par la rédaction, l’Ordre des Sages-Femmes explique qu’en l’absence de remontées de terrain suffisamment nombreuses sur les montages de projet, il lui est difficile d’affirmer avec certitude quels sont les principaux freins à l’installation de maison de naissance, mais émet tout de même plusieurs hypothèses. Notamment le fait qu’« à chaque projet il faut trouver la structure hospitalière, [et donc que] cela dépend du personnel médical, de la volonté personnelle et de la direction ». « Il y a des projets plus ou moins soutenus, plus ou moins portés, c’est cette synergie [entre l’équipe de l’hôpital et les porteurs de projet] qui fait la différence », ajoute l’Ordre.
Christine Lepape pointe également l’obligation fixée par la loi que les maisons de naissance soient « contiguës » aux hôpitaux, ce qui pose des problématiques très concrètes d’accès à un local ou à du foncier. Elle défend donc l’idée que le terme « contigu » soit remplacé par « à proximité de ».
La création d’une maison de naissance à Gap a émergé depuis plusieurs années. L’association L’Écrin est née l’année dernière pour la soutenir. Dès le mois de décembre 2020, un premier échange entre les représentantes et l’Agence Régionale de Santé Provence-Alpes-côte d’Azur a permis de présenter ce projet. L’ARS a alors indiqué que les maisons de naissance ne faisaient « pas partie du plan de projet » en PACA. Depuis, L’Écrin n’a plus eu de contact avec l’agence mais a rencontré en 2021 la direction du Centre Hospitalier de Gap. Contactée par ram05, celle-ci a indiqué que « des discussions [étaient] en cours à ce sujet en interne », et que « [sa] position n'[était] pas encore arrêtée ». Prochaine étape : une nouvelle réunion lundi 22 mai avec le Centre Hospitalier de Gap, incluant cette fois-ci l’équipe médicale. L’Écrin espère réussir à mettre en confiance et convaincre ses interlocuteurs pour obtenir un avis favorable.
Contactée, l’ARS PACA indique qu’à ce jour, aucun autre projet que celui de la Casa de Naissance, adossée au CH d’Aubagne, n’a été « formalisé ». Concernant le projet porté par l’association l’Ecrin, l’ARS explique qu‘ « il n’a pas fait, à ce jour et [à la connaissance de l’ARS PACA], l’objet d’un travail formalisé avec la maternité avoisinante [ndlr : du CH de Gap], préalable nécessaire à l’instruction des demandes par l’ARS.»
L’association L’Écrin organise son assemblée générale le 3 juin prochain au Pavillon Carina à Gap de 14h à 16h. Elle sera suivie d’un concert familial avec Le Son des Bestioles.