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AESH : une profession en lutte pour de meilleures conditions de travail et une école vraiment inclusive

La loi handicap du 11 février 2005 pose le principe du « droit à compensation » : « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. » C’est pour faire valoir ce droit que le métier d’AESH - accompagnants des élèves en situation de handicap a été créé. Longtemps précarisés, en très grande majorité des femmes, les AESH ont obtenu en juillet dernier l’obligation d’être embauché en CDI à partir de trois années en poste. La liste des revendications portées par les syndicats est encore longue.

Meilleures reconnaissances sociale et salariale, intégration aux équipes pédagogiques, respect des droits des élèves en situation de handicap… les AESH combattent sur tous les fronts pour améliorer leurs conditions de travail et rendre l’école réellement inclusive. AESH depuis 14 ans, Cécile accompagne des élèves dans des classes dites ULIS, pour Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire. Des classes de 12 élèves maximum qui bénéficient de cours spécialisés.

Concrètement, on peut être assis à côté de lui, lui pointer les mots pour qu'il arrive à suivre la lecture, l'aider à la prise de note, parfois écrire à sa place, surligner les choses importantes qu'il ne doit pas rater sur la feuille, faire des schémas pour l'aider à comprendre un problème.

Cécile, AESH

Passionnée et convaincue de l’importance de son travail, Cécile voit la profession d’AESH comme un moyen pour les élèves en situation de handicap d’évoluer à l’école « en milieu ordinaire » et d'« avancer au mieux dans leurs apprentissages, de gagner en autonomie et d’accéder à une formation plus tard pour se faire la vie la plus belle possible. »

Le collectif « Précaire AESH 05 » s’est monté pour rassembler et défendre les droits du personnel, qui exerce souvent de manière isolée. Première souffrance régulièrement pointée par les AESH auprès du collectif, le faible niveau de rémunération. Faute de parvenir à boucler les fins de mois, « des personnes qualifiées et expérimentées arrêtent ce métier car ce n’est pas viable avec ce salaire » pointe Hélène Bouvier, AESH depuis 6 ans, membre du collectif et représentante syndical SUD. C’est le cas de Patrice [le prénom a été changé], AESH depuis 8 ans dans les Alpes de Haute-Provence, qui hésite aujourd’hui à démissionner malgré l'attrait qu’il a pour son travail. À l'origine de ces salaires qui ne dépassent pas les 1 000€ par mois, le temps partiel qui n’est pas une option mais une obligation pour les AESH, explique Hélène Bouvier.

On a des vingt quatre heures en temps partiel imposé, c'est un cadre qu'on ne peut pas dépasser. Même s'il y a des manques, on n'a aucune possibilité de faire des heures supplémentaires. On était à vint et une heures imposées il y a quelques années, on a réussi à obtenir le vingt quatre heures.

Hélène, AESH, membre du collectif Précaire AESH 05 et représentante du syndicat SUD

Des pistes sont étudiées pour gonfler les heures des AESH, comme cette proposition un temps évoquée - puis abandonnée - d’une fusion avec le métier d’AED - assistant d'éducation, plus communément appelé surveillant. Une proposition qui a choqué les syndicats qui y voyaient une insulte aux spécificités de chacun des métiers. Plutôt qu’une multiplication des casquettes pour atteindre trente-cinq heures, les syndicats demandent la reconnaissance d’un temps-plein pour les vingt quatre heures actuellement effectuées. Mais les pistes actuellement à l'étude ne vont pas dans ce sens. Aymeric Meiss, Directeur Académique des Services de l’Education Nationale donne un exemple de solution envisagée.

Parfois les collectivités ont besoin aussi d'accompagner des enfants en situation de handicap sur les temps périscolaires que sont la garderie, la cantine, et nous réfléchissons à la façon dont nous pourrions peut-être proposer aux collectivités de s'associer en quelque sorte pour recruter quelqu'un sur un temps qui serait de fait beaucoup plus élevé, puisqu'il inclurait le périscolaire.

Aymeric Meiss, Directeur Académique des Services de l'Education Nationale dans les Hautes-Alpes

Autre cause de souffrance pour les AESH, la difficulté, parfois, d'accompagner les élèves dans de bonnes conditions. Certains font l’objet de notifications d’accompagnement individuel par la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées et se retrouvent pourtant au sein d’un groupe d’élèves accompagnés selon le collectif Précaire AESH 05.

Ca peut aller jusqu'à cinq élèves en même temps, dont un pour qui il peut y avoir une notification d'AESH individuel, c'est à dire une personne à 100% pour lui, mais qui ne l'a pas. Il y a des élèves qui ont le droit à cet accompagnement [ndlr : individuel] mais qui ne l'ont pas donc on "bidouille". On se détache d'un petit groupe de quatre pour qui on doit être là pour accompagner l'élève qui n'a pas son AESH individuel. Ce qui fait que l'accompagnement de tout le monde est de moins bonne qualité.

Cécile, AESH

L’accompagnement individuel notifié est un droit opposable que les parents pourraient faire valoir en justice, rappelle Hélène Bouvier. Questionné sur ces cas, le Directeur Académique des Services de l’Education Nationale dans les Hautes-Alpes les nuance, assurant qu’il sont rares.

Vous pouvez avoir des situations [ndlr : d'AESH accompagnants plusieurs élèves dont un notifié] soit parce que vous êtes en attente d'un recrutement, soit du fait de l'absence d'un personnel pendant quelques temps. Soit des situations qui peuvent se produire avec plusieurs élèves dans une même classe et pour lesquels on ne multiplie pas forcément les adultes parce qu'avoir trois ou quatre adultes dans une classe ce n'est pas forcément pertinent. Donc vous pouvez avoir seul l'AESH individuel mais qui n'a pas besoin d'être avec l'enfant pendant cinquante-cinq minutes de cours donc ça peut donner l'impression qu'on mutualise mais ce ne sont pas des situations fréquentes.

Aymeric Meiss, Directeur Académique des Services de l'Education Nationale dans les Hautes-Alpes

À l’inverse, le collectif Précaire AESH 05 rapporte de nombreux exemples de dysfonctionnements. Le plus marquant, une mère contrainte d’arrêter son travail pendant un mois et demi à la rentrée scolaire car son enfant notifié et scolarisé dans l’Embrunais n’avait pas d’AESH attribué. Sur 900 élèves notifiés dans le département, 850 sont effectivement accompagnés, selon la DSDEN 05. Le Directeur Académique des Services de l'Education Nationale explique ces écarts notamment par le temps de recrutement nécessaire.

Vous pouvez avoir des familles qui refusent l'accompagnement, ça peut arriver. Ou alors, on est en train de recruter donc on a un petit délai qui peut se mettre en place. Des fois c'est immédiat et des fois il faut quelques jours avant de trouver quelqu'un [...] mais pour 95% des élèves la notification est mise en œuvre immédiatement.

Aymeric Meiss, Directeur Académique des Services de l'Education Nationale dans les Hautes-Alpes

Parfois répartis sur plusieurs établissements, les AESH déplorent aussi que le temps de déplacement ampute du temps d’accompagnement.

De plus en plus syndicalisée, la profession milite et fait bouger les lignes. En juillet, les AESH ont obtenu l’obligation d’être embauché en CDI après 3 années en poste. Jusqu’ici, de nombreux AESH enchaînaient les CDD, parfois même après 10 ans d’activité. Sur les salaires en revanche les avancées restent maigres car la revalorisation du point d’indice sera rapidement grignotée par l’inflation.

Dernière victoire en date, les AESH de l’académie d’Aix-Marseille ont remporté cette semaine un bras de fer engagé il y a un peu moins de deux ans. L’affaire est allée jusqu’au Tribunal Administratif puisque le syndicat SUD avait déposé un recours cet été contre l’académie, « pas en accord avec la loi »  selon lui, sur la reconnaissance du temps passé en sorties scolaires ou en déplacement entre deux établissements. L’affaire n’a pas eu à être jugée, l’académie ayant accédé aux revendications des syndicats. « Début 2024, ces heures devront donc être prises en compte dans l’établissement des plannings hebdomadaires des AESH ou donner droit à des récupérations s’il s’agit d’heures supplémentaires » se réjouit le syndicat SUD dans un communiqué du 5 décembre.