Transports scolaires : la triple peine pour les Hauts-Alpins
Décidément, la gestion des transports scolaires par la région n’en finit pas de soulever des protestations. Associations, collectivités et élus soulignent l’absurdité de certaines mesures et les inégalités qu’elles provoquent.
Petit rappel des faits. Jusqu’en septembre 2017, le département des Hautes-Alpes possède la compétence « transports scolaires ». Les enfants sont pris en charge à partir de 2 km de l’école, et le tarif est particulièrement bas, à 15€ par élève et par an. À la rentrée 2017, la loi « NOTRe » impose que la compétence « transports scolaires » soit transférée à la région. Celle-ci décide alors d’harmoniser le règlement entre tous les départements. Dans les Hautes-Alpes, les modifications sont en défaveur des familles. Deux mesures emblématiques sont en particulier controversées : l’augmentation du tarif de 15 à 110€, et le recul de la distance minimale de prise en charge, de 2 à 3km de l’école.
L’Union Des Associations Familiales des Hautes-Alpes, l’UDAF 05, représente les intérêts des familles auprès des pouvoirs publics. Elle avait plaidé la cause des parents l’été dernier au niveau de la région, lorsque celle-ci avait augmenté le tarif. Philippe Hebrard, directeur de l’UDAF 05, rappelle que des concessions avaient été obtenues, mais toutefois de manière temporaire.
Cette année, l’UDAF 05 est de nouveau intervenue auprès de la région. Suite à quoi une dégressivité du tarif a été adoptée, mais de nouveau, ce n’est pas complètement satisfaisant. Explications par Philippe Hebrard.
Une dégressivité a donc été consentie à partir du 3ème enfant. Mais paradoxalement, les familles en difficulté, qui paient déjà moins cher, ne pourront pas en profiter.
Une petite avancée en demi-teinte donc, qui ne suffit pas à rassurer l’UDAF 05. L’association se dit toujours préoccupée et estime ne pas avoir été entendue par la région. Elle réaffirme sa demande de plus d’égalité dans l’accès au service public qu’est l’école.
En particulier, le recul de la distance minimale de prise en charge des élèves par les transports scolaires, annoncé cet été, augmente les inégalités. Philippe Hebrard, directeur de l’UDAF 05, se félicite que des collectivités réagissent face aux situations absurdes que provoque cette mesure. Il cite un exemple.
Autre exemple : la communauté de communes du Pays des Écrins. La collectivité signale elle aussi des situations incohérentes sur son territoire en terme de transports scolaires, suite au nouveau règlement régional. Les élus ont pris des initiatives pour le rectifier. On écoute le président, Cyril Drujon.
Rien que sur Saint Martin de Queyrières, une trentaine d’enfants seraient concernés par la disparition du transport scolaire. Ce qui signifierait une vingtaine de voitures supplémentaires pour les conduire à l’école.
Le nouveau règlement intercommunal des transports scolaires a été adopté sur le Pays des Écrins fin juillet. Il ne mentionne aucun critère de distance domicile-école. L’objectif est de continuer à acheminer les enfants habitant à moins de 3 km du lieu de scolarisation, au cas où la région n’accepte pas les demandes de dérogation. Sachant qu’une telle demande a déjà été acceptée pour rétablir un arrêt aux Vigneaux, Cyril Drujon a bon espoir que les nouvelles requêtes de la comcom soient approuvées.
La région précise aussi cette année qu’un arrêt sera maintenu seulement s’il concerne plus de 3 enfants de 2 familles différentes. Une mesure que ne conteste pas Cyril Drujon.
Marc Viossat, conseiller départemental, a fait partie de la commission de négociation auprès de la région lors du transfert de la compétence « transports scolaires » en 2017. Il rappelle que les nouvelles mesures sont justifiées par un souhait d’harmonisation entre tous les départements. Marc Viossat déplore que la région choisisse ainsi d’ignorer les spécificités des territoires de montagne.
Mais surtout, Marc Viossat insiste sur une anomalie fiscale quant au financement des transports scolaires : selon lui, les Hauts-Alpins paient en quelque sorte plusieurs fois.
Précisons qu’il existe une subtilité législative. La loi « NOTRe » a imposé le transfert de la gestion des transports scolaires à la région. Mais elle offre aussi la possibilité à ces mêmes régions de déléguer ensuite cette compétence à d’autres collectivités. C’est-à-dire qu’elle pourrait revenir au département. Marc Viossat s’y déclare favorable, mais la région n’a fait aucun pas dans ce sens pour l’instant selon lui.
Récapitulons : les Hauts-Alpins paient plus cher leurs abonnements aux transports scolaires, tout en continuant à financer ces derniers via la fiscalité du département, voire également via les fiscalités communales et intercommunales pour certains, pour finalement un moins bon service. La triple peine pour les familles du département.