Six ans de travail pour une exposition : ce passionné d’Arvieux sauvegarde la mémoire des habitants
Installée depuis un mois, l’exposition « De la trousse de foin à la fibre optique » retrace les 75 dernières années de la commune d’Arvieux à travers les évènements qui ont marqué les habitants.
Bien qu’il vive à l’année à Marseille, Olivier Goehrs, aujourd’hui septuagénaire, s’est pris de passion pour Arvieux où il vient séjourner régulièrement depuis l’âge de 5 ans, « à une époque où on fauchait tout encore à la faux ».
S’il y a une mission que le Queyrassin d’adoption semble s’être fixé, c’est de sauvegarder la mémoire de la commune. En témoignent d’abord deux premières expositions réalisées ces dernières années : l’une dédiée à toutes les anciennes dénominations de lieux-dits, « parce que chaque champ avait un nom », et l’autre aux anciens canaux d’irrigations. Le tout a été collecté auprès des « anciens » d’Arvieux.
C’est dans cette lignée qu’une troisième exposition a vu le jour cet été. Il s’agit cette fois-ci de recenser « tous les évènements, petits et grands, qui ont marqué la commune de 1948 à 2025, dans tous les domaines : agriculture, sports d’hiver, développement touristique, vie quotidienne, vie religieuse, exploitation forestière, etc. ». Objectif : « donner une image de la vie contemporaine de cette commune ». L’idée trotte dans la tête d’Olivier Goehrs depuis plusieurs décennies.
Ça remonte à une trentaine d’années que j’ai eu envie de la créer parce qu’elle compte beaucoup pour moi. Dans mon esprit, je suis câblé un peu comme ça : j’aime bien synthétiser les choses, pas seulement les accumuler, mais les synthétiser et leur donner un sens. Et cette vallée compte tellement pour moi que j’avais envie de donner un sens à tout ce qui s’est passé dans cette commune depuis cette date.
La date limite de 1948 correspond au plus loin qu’Olivier Goehrs a pu remonter en récoltant des témoignages de vive voix auprès des habitants. Ceux-ci ont pu livrer leurs souvenirs marquants de la vie de la commune.
Il n’y a que 350 habitants sur la commune à l’année et j’y viens quasiment depuis 70 ans, donc ce n’est pas un exploit de connaître quasiment tout le monde et d’être connu d’un peu tout le monde. Et donc je suis allé dans les différents villages interroger les gens, leur demander « Qu’est-ce que tu aurais comme photo ? Pour toi, c’est quoi les événements majeurs ? Est ce que tu aurais des coupures de journaux sur ces événements ou des anecdotes ? ». Ayant déjà fait deux expos, la confiance est complètement établie, donc les échanges se font très facilement et c’est même un plaisir pour eux. C’est juste long ! Parce que chacun rajoute ses événements, ses anecdotes. Donc ça m’a pris pas mal de saisons.
Six ans ont été nécessaires pour mener le projet à bien. Et encore : depuis le vernissage le 11 juillet dernier, les récits d’habitants continuent d’affluer et un nouveau panneau a dû être installé, raconte Olivier Goehrs. Au total, environ 150 évènements sont relatés.
Voici deux exemples anciens, le premier remontant à la fin des années 90.
Il y en a un qui est très significatif du mariage qu’on a réussi à maintenir entre les sports d’hiver et l’agriculture : au premier étage de nos alpages, qui s’appelle Clapeyto, a été construit une retenue collinaire de 6 000 m3 dont l’objet est d’irriguer les prés pour le bétail en été et de produire de la neige artificielle en hiver. C’est assez rare comme utilisation, en tous cas dans le Queyras.
Et après, il y a des événements qui sont plus personnels. Par exemple, en 1987, notre curé a tiré des flammes deux anciens qui étaient vraiment en grand danger dans un incendie, la foudre étant tombée, tenez-vous bien, pour la deuxième fois sur la même maison. C’est pas courant non plus.
Et deux exemples plus récents.
Je vais vous donner un événement qui permet peut-être d’imaginer un peu l’avenir, qui est lié à la fibre. Le fils d’un ancien, qui a 80-90 ans maintenant, travaillait aux Émirats Arabes, et son métier lui permettait de faire du télétravail. Il est venu s’installer ici grâce à la fibre et y vivre. Et ça a fait deux enfants de plus pour l’école. Parce qu’au nombre d’élèves où on est arrivé, on craint toujours un jour de voir l’école disparaître et être installée un peu plus bas dans le canton.
Il y a toute une série d’événements qui m’ont beaucoup marqués et qui m’amènent à être un peu optimiste : c’est le nombre d’emplois que des jeunes, parfois moins jeunes, ont réussi à créer. C’est pas facile ! Au tout début, on n’avait même pas un plombier, même pas un électricien ici. Et de fil en aiguille, aujourd’hui, on a deux plombiers, deux électriciens, mais on a aussi deux infirmières, une kiné, une esthéticienne, une prof de yoga… Ça donne confiance dans les possibilités de développement de notre petite commune.
L’exposition « De la trousse de foin à la fibre optique », organisée par la mairie d’Arvieux, est à voir en accès libre jusqu’au 12 septembre, sous le préau de la Maison du Parc. Des permanences sont assurées les lundis et vendredis de 16h à 18h30.