Nicolas, Thomas et Rémi / Crédit : Noah Pastorelli
14 min To Beatles or not to be

Interview – Les Beatles par Bonjour, Au Revoir : reprises surprises

Aujourd’hui, rencontre avec le trio Bonjour, Au Revoir, un groupe de reprises des Beatles. Des reprises acoustiques, et pas tout à fait ordinaires.

Thomas Bertin, à la basse, la contrebasse et au chant, et Nicolas Demars et Rémi Vallantin, aux guitares et aux chœurs, tous trois Hauts-Alpins, se rencontrent en école de musique, naviguent au sein de diverses formations musicales, avant de lancer Bonjour, Au Revoir en 2021.

Plus de 70 scènes plus tard, le groupe ajoute une deuxième corde à sa gratte en mettant au point le spectacle « Help, on est des génies ! », avec la participation de Zélia Chautant à la lumière. Un concert théâtralisé dans lequel un tribute band raté découvre une méthode miracle pour acquérir du talent et se fait embarquer beaucoup plus loin que prévu dans ses réinterprétations des Fab Four.

Le trio fictif livre alors avec un réel talent des reprises impressionnantes d’inventivité, qui prennent systématiquement à contre-pied l’original, de « Strawberry Fields Forever » à « Help! » en passant par « Eleanor Rigby », entre autres.

La première représentation s’est jouée le 31 octobre 2024 à La Bâtie-Neuve (05) suite à une résidence de plusieurs jours grâce à la commune. Cette interview a été enregistrée à l’issue de la soirée.

Doc Robert : Comment est né ce projet sur les Beatles ?

Nicolas : À l’origine, c’était moi qui cherchais des gens pour faire un groupe de reprises des Beatles, et les deux seules personnes qui m’ont répondu, c’étaient mes copains Thomas et Rémi !

Ce projet est né au milieu des couvre-feux, du Covid, etc., donc ça nous a permis d’avoir un an à blanc pour le démarrer, en bravant les confinements pour répéter chez les uns et les autres. Et comme ça a tout de suite fonctionné, notamment les harmonies sur les trois voix, on est rentré la tête la première dans l’esprit Beatles.

Comment a germé chez toi cette idée de reprendre les Beatles ? Pourquoi ce groupe-là ?

Nicolas : Tout simplement parce que, personnellement, c’est une de mes influences principales. Et d’une manière un peu plus pragmatique, c’est un répertoire qui est très grand public, et c’est un répertoire qui est autant intéressant pour l’auditeur que pour le musicien.

C’est-à-dire que Rémi, par exemple, ne connaissait pas trop les Beatles à la base. Thomas, connaissait déjà très bien, mais pour Rémi, il y a eu une découverte : ce n’est pas une pop très simple, en fait. Il y a plein de trucs qui, en tant que musicien, sont intéressants, dans la compréhension de l’harmonie, de certains rythmes, etc. C’est un peu plus complexe que ça peut en avoir l’air, et du coup, c’est très intéressant pour nous en tant que musiciens à décortiquer.

Rémi : Ce qui était très intéressant pour moi, qui ne connaissait pas tout les Beatles avant, c’était qu’en tant que musicien, on se rend compte qu’on a l’impression d’entendre quelque chose de simple, et en fait, dans la simplicité, il y a des choses qui sont extrêmement élaborées. Et surtout, extrêmement avant-gardistes.

On entend des choses aujourd’hui dans une multitude de groupes où on se dit : « Ah mais d’accord, en fait, les Beatles ont déjà fait ça avant, et ça paraît facile, et en fait, ça ne l’est pas ». Et c’est ça qui est assez impressionnant avec ce répertoire-là.

Est-ce que tu as un exemple ?

Rémi : Par exemple « All You Need Is Love » : quelque chose de très bateau, et en fait, ça ne tourne pas en 4/4, ça tourne en 7/4. Les gens, quand ils l’écoutent, ils ne se posent pas ce genre de questions, ça fonctionne. Mais quand on est musicien, on se dit qu’il y a une subtilité en plus sur ce morceau-là, et je ne m’étais jamais posé la question, je ne m’en étais jamais rendu compte.

Et ça, ça a été fait dans les années 60. Donc les Beatles sont des personnes avant-gardistes et qui ont créé quelque chose.

Votre concept, c’est de reprendre les Beatles, mais pas tels quels. Vous les réinventez, vous les réarrangez. Pourquoi ce parti pris ?

Thomas : Déjà, on est un trio alors que les Beatles étaient quatre. Donc il a fallu déjà arranger un peu les morceaux pour coller à notre instrumentarium, basse et deux guitares. Et après, il nous manquait cette dynamique que ramène la batterie. Donc on a rééquilibré avec des harmonies vocales qui permettent d’enrichir nos propositions et de dynamiser un peu le propos.

Et comment vous travaillez pour les élaborer, ces réarrangements ?

Thomas : On repique les morceaux, c’est-à-dire qu’on décortique le morceau et qu’on se l’approprie avec nos instruments. Et ensuite, chacun propose des directions qu’on essaye ensemble. On trouve des harmonies et puis on se donne des idées. On se donne des directions dans lesquelles, de manière plutôt fluide, on plonge pour essayer de faire émerger quelque chose.

On a déjà notre formule arrangée quand on est en concert. Et là, pour le spectacle, on a repensé les arrangements qu’on avait faits pour essayer d’aller encore plus loin et d’imaginer un groupe presque qui aurait composé ces morceaux-là. Donc, en fait, se les approprier et aller encore plus loin dans les idées.

Nicolas : C’est vrai que là, dans le spectacle en particulier, l’idée, c’est que les morceaux sont une base. C’est comme si on était plus dans la composition que dans la reprise, sur le spectacle en tout cas. Il y a des morceaux pour lesquels on a juste la mélodie du refrain et deux mots du refrain et en fait, tout le reste a complètement changé.

Dans la création, il y a toujours le concept de la base de départ qui, des fois, est très fournie, et qui, en fait, s’efface complètement au fur et à mesure de la création. Et pour nous, ça a été vraiment un processus de plusieurs fois, 3, 4, 5 jours ensemble, 12 heures par jour à faire de la musique, à plonger à corps perdu dans une idée. Il y en a plein qui sont ensuite passés à la poubelle, mais avec quand même pour credo de toujours aller au bout des idées.

Ce qui est intéressant pour l’auditeur, c’est la surprise : à chaque fois, se dire, quand vous commencez un morceau, « Qu’est-ce que ça va être celui-là ? ». Vous y avez pensé à ça, c’était conscient ?

Rémi : Oui, c’était conscient parce qu’on s’est beaucoup posé la question en écrivant les arrangements du spectacle. On se disait « Là, c’est pas assez, on reconnaît encore trop le morceau, il faut encore aller plus loin ». Il faut aller chercher des choses qui ne nous définissent pas comme un groupe qui reprend les Beatles, mais comme un groupe à part entière qui a une proposition musicale sur ce répertoire là.

C’est ça un peu la force du spectacle : ce qu’on a voulu proposer, c’est de surprendre les gens en leur faisant comprendre qu’ils n’allaient pas venir écouter les Beatles tel qu’ils ont l’habitude de les écouter. Vous allez écouter quelque chose que vous n’avez jamais entendu.

Les Beatles, en fait, c’est juste un support sur ce spectacle. Une chose que les Beatles ont comme force, c’est qu’ils ont un répertoire tellement sophistiqué et fourni qu’on peut travailler dessus. C’est un outil de travail qui est hyper complet. On n’aurait pas pu faire ça avec tous les groupes. Donc on s’est servi de ça. Et si on arrive à surprendre les gens avec ça, c’est pari gagné.

Quel est le morceau qui vous a donné le plus de fil à retordre ou sur lequel vous vous êtes le plus acharnés ?

Nicolas : Déjà, avant même de répondre, il faut capter que les arrangements musicaux qu’on entend, à mon avis, ça fait plus de deux ans qu’ils mûrissent.

Thomas : Et il a fallu penser les arrangements par rapport à l’histoire qu’on racontait, avec des morceaux qui s’étirent au fur et à mesure pour laisser place à autre chose. Donc, on part de quelque chose de très simple et qui ressemble aux Beatles pour après complètement l’éclater.

Et peut-être que le climax de cette montée a lieu avec le morceau « Come Together », qui, en plus, est un immense tube. C’est un morceau sur lequel on s’est permis beaucoup de choses. Le seul frein, c’étaient nos capacités à jouer.

Nicolas : Quand on a écrit la musique du spectacle, il y a eu une version où le morceau était beaucoup plus similaire au morceau original. Et il y a eu un moment où on s’est dit « Là, on reconnaît trop le morceau, on est trop dans la reprise ». Il a fallu lâcher prise et se dire « On va autre part ».

En plus d’être un exercice de composition qui est très intéressant, c’est un morceau qui, pour nous, est un défi technique assez important parce que ce n’est que de la répétition. On a la sensation qu’il y a comme un looper avec les voix, et, en fait, c’est juste du tuilage avec Rémi qui reprend des voix que Thomas fait juste avant pour permettre d’avoir une impression de continuité tout le temps avec une répétition rythmique des voix. Et du coup, il y a eu un défi d’aller au bout de l’idée. Je pense que c’est un des morceaux qui nous a demandé le plus de travail.

Ce soir, c’était une première. La suite, c’est quoi ?

Nicolas : La deuxième.

Bien vu.

Rémi : La suite, c’est de continuer à travailler. Mais on est très contents de ce qu’on a fait.

On arrive à un moment où on propose ce spectacle et maintenant il faut le faire tourner. Voir quelles sont les possibilités, voir aussi qui ça peut intéresser. Donc maintenant on est dans l’attente de le proposer, et en le proposant, d’aller toujours un peu plus loin pour continuer à monter ce spectacle.

Et en dernier mot : venez voir le spectacle ! Et si vous êtes quelqu’un qui organise des spectacles, n’hésitez pas à nous contacter.

Parce qu’on est là et qu’on n’attend plus que ça. On est prêt, ça y est.

Pour plus d’info, rendez-vous sur bonjouraurevoir-trio.com.