Pays des Ecrins : ateliers cuisine et cartoparties, des moments atypiques pour s’attaquer aux causes du non-recours aux droits
Allocations familiales, aides au logement, prime d’activité… pour certaines prestations sociales, le taux de non-recours peut dépasser les 30 %1. Les causes sont multiples : manque d’information et complexité des démarches, mais aussi illettrisme, illectronisme et allophonisme2. Trois problématiques auxquelles les collectivités peuvent apporter des réponses locales. Exemple au Pays des Ecrins avec le projet Lab3 qui a pris fin la semaine dernière.
Lab3i pour « Laboratoire territoire alpin : illettrisme, illectronisme, itinérance ». À l’origine du projet il y a tout d’abord un constat. Stéphanie Davin est à la tête du service développement économique et services au public à la Communauté de Communes du Pays des Ecrins.
On s’est énormément questionné sur l’accès aux droits et l’éloignement d’un certain nombre de publics. Parce que les missions principales des Maisons France Services sont l’accès aux droits et l’accompagnement dans les démarches administratives. On a senti qu’il y avait vraiment un éloignement d’une frange de la population, qui n’est pas moindre, qui n’accédait pas aux droits.
Plutôt que de sensibiliser pour faire connaître les aides existantes, la Communauté de Communes a pris le parti de travailler sur les difficultés rencontrées par les habitants dans leurs démarches, également sources de renoncement aux droits.
Il y a une forte complexité des démarches, qui aujourd’hui se font en ligne. Une grosse barrière numérique qui est présente. Mais avant d’accéder à la démarche numérique il y a aussi tout ce qui peut être l’apprentissage de la langue : le français, la lecture, l’écriture, etc. toutes ces barrières ont été constatées [lors d’un diagnostic], au-delà même du numérique.
Avec son passé industriel, le Pays des Ecrins a connu des vagues d’immigration successives. La barrière de la langue a ainsi été identifiée comme un frein possible dans l’accès aux droits. Pour répondre à l’allophonisme et plus largement aux problématiques de l’illettrisme et de l’illectronisme, le projet Lab3i a mis en place des ateliers réguliers sur trois ans. Loin du cours magistral qui risquerait de démotiver les participants, ces moments prennent des formes originales.
Il y a différents types d’actions. On a mené des ateliers de lecture et d’écriture, des ateliers cuisine, des cartoparties1 pour la découverte du territoire, se repérer dans l’espace et l’apprentissage du numérique. Ce sont des actions qui prennent bien, on arrive à créer un certain nombre de petits groupes de travail, de personnes qui aiment prendre le temps de se retrouver.
Lab3i, c’est fini, mais le combat contre l’illettrisme et l’illectronisme se fait sur le temps long. Certains ateliers vont donc être prolongés.
Les groupes sur les cartoparties et les ateliers cuisine ont énormément pris, c’est quelque chose qui fonctionne bien parce que cela crée des lieux de lien social, de convivialité, donc c’est quelque chose que l’on fera perdurer au-delà du projet. On sait aussi que d’autres partenaires sont intéressés pour s’impliquer, poursuivre le projet autour de l’illettrisme. Il va prendre fin sous sa forme Lab3i, mais nous continuerons à travailler sur ce sujet par la suite.
1 Meinzel, 2022 ; Hannafi, Le Gall, et al., 2022
2 Rapport de la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques) : « Prestations sociales : pour quatre personnes sur dix, le non-recours est principalement lié au manque d’information » avril 2023.
1 Le but d’une « cartopartie », ou « mapping party » est d’arriver à produire une carte complète d’une zone plus ou moins grande, généralement une partie d’agglomération. Pour l’obtenir dans un temps assez court, on convoque des pratiquants d’OpenStreetMap volontaires et des novices peuvent y trouver l’occasion d’apprendre les méthodes du relevé des traces GPS sur le terrain et du recueil des données visuelles pour leur traitement sur ordinateur., pour la découverte du territoire, se repérer dans l’espace et l’apprentissage des outils numériques. Ce sont des actions qui prennent bien, on arrive à créer des petits groupes de travail, de personnes qui aiment prendre le temps de se retrouver.