Dans 6 mois, plus aucune « petite trésorerie de proximité » dans les Hautes-Alpes
De moins en moins d’agents, de moins en moins de trésoreries : dans les Hautes-Alpes, le réseau des finances publiques poursuit implacablement son rapetissement. Avec des conséquences diamétralement opposées si l’on en croit la direction ou les syndicats. La première vante une amélioration de la proximité avec les usagers et une simplification des tâches des travailleurs, tandis que les seconds alertent précisément sur les effets inverses.
En 2023, la direction départementale des finances publiques (DDFIP) des Hautes-Alpes perd 10 emplois. Pour 6 d’entre eux il s’agit d’une suppression, et les 4 autres sont transférés vers les Alpes-de-Haute-Provence. Suite à cette nouvelle vague de départ il reste environ 220 à 230 postes sur le département d’après l’intersyndicale. Au total, en 8 ans, la direction recense 52 emplois supprimés « accompagnant les gains de productivité liés aux nouveau outils et à la réorganisation du réseau ». De leur côté, les syndicats en ont dénombré « près de 75 ».
Les structures d’accueil spécialisées connaissent elles aussi une décrue. Les trésoreries de Veynes et Tallard ont fermé le 1er janvier dernier et celle de Laragne doit connaître le même sort le 1er septembre de cette année. Leurs services sont transférés vers les sites de Gap pour les deux premières et de Sisteron pour la troisième. Finalement, à l’automne, les Hautes-Alpes ne compteront plus aucune « petite trésorerie de proximité », se désolent les syndicats. Ne resteront plus que les pôles de Gap, Embrun et Briançon.
À quoi servent ces sites des finances publiques ?
Ils remplissent une multitude de missions différentes.
Auprès des particuliers d’une part, pour les déclarations, les calculs, les exonérations, les réclamations, le paiement des impôts. Envers les professionnels ensuite, pour le dépôt des déclarations de résultat, de TVA et autres, et le paiement des principaux impôts. Et enfin à destination des collectivités, des hôpitaux et de certains offices publics de l’habitat, pour leur gestion budgétaire et comptable.
Dans les Hautes-Alpes se met en place « une spécialisation des structures », explique la direction. Cette réforme, intitulée « nouveau réseau de proximité des finances publiques », a été engagée en 2018 au niveau national et a conduit à la fermeture de 11 trésoreries dans le département. À terme, au 1er septembre, les particuliers ne pourront s’adresser qu’à deux services des impôts, Gap et Briançon, « correspondants aux deux principaux bassins démographiques ». Les professionnels ne trouveront des interlocuteurs qu’à Gap et Embrun, les « pôles économiques du département ». Et enfin, la gestion des collectivités locales sera assurée « au travers d’échanges dématérialisés » par trois services à Gap, Embrun et Briançon, et des « conseillers » se rendront sur place auprès des « décideurs locaux ». Cette année a de plus été créé à Gap un service département des impôts fonciers.
Quelles sont les conséquences de ces modifications ?
Jean-François Colomé est secrétaire de Solidaire Finances Publiques 05, syndicat majoritaire de la profession. Il nous livre quelques exemples.
Des particuliers qui voudraient des renseignements et qui sont dans l’Embrunais sont maintenant obligés de se déplacer, pour des services de nature fiscale, sur le service des impôts de Briançon. Ce n’est pas neutre au niveau des déplacements. Vice-versa, des entreprises [du Briançonnais] qui voudraient des informations devront se déplacer à Embrun. On a beaucoup plus de difficultés pour accéder à nos services.
Jean-François Colomé
Perte de proximité avec les usagers ? Que nenni, répond la direction, qui rétorque qu’elle a au contraire été « considérablement […] renforcée ».
Via les cinq nouveaux conseillers aux décideurs locaux cités plus haut d’une part. Et surtout grâce aux Maisons France Service. La direction départementale des finances publiques explique que les agents de ce réseau ont été formés « pour les questions simples relatives à la fiscalité des particuliers et de l’accompagnement numérique ». De plus, des personnels des services des impôts se rendent physiquement sur place « pendant les campagnes de déclaration et de réception des avis d’imposition et tout au long de l’année par la prise de rendez vous ». « Enfin des conventions ont été passées avec les bureaux de tabac afin de permettre le paiement de proximité en espèce ou par carte bancaire », ajoute la DDFIP 05.
Mais pour les syndicats, les Maisons France Service ne compensent pas totalement la fermeture des trésoreries de proximité.
Les Maisons France Service font un accueil de premier niveau. Il est évident que si les usagers voulaient un renseignement plus détaillé sur la nature de leur imposition, cela implique que les déplacements se fassent à plus grande échelle.
Jean-François Colomé
L’intersyndicale signale aussi un mal-être du côté des salariés.
Le nouveau réseau des finances publiques, et en particulier la diminution des effectifs, met en difficulté les agents, alerte Jean-François Colomé.
C’est moins de personnel avec des charges qui demeurent importantes, malgré la suppression de la taxe habitation et de la redevance audiovisuelle. Il y a énormément de travail au niveau de l’imposition foncière ou de taxe d’habitation secondaire. On se retrouve avec des effectifs qui ne correspondent plus aux charges qui sont mises en face, cela pose un vrai problème sur les conditions de travail. Il faut également rappeler que la direction des finances publiques est aussi mise à contribution sur la prime carburant, ce qui rajoute un surplus à nos agents.
Jean-François Colomé
À cette question de la hausse de la charge de travail, la direction répond que « la spécialisation des structures est de nature à faciliter le travail des agents dans la mesure où moins de polyvalence est désormais nécessaire ».
À la veille de l’ouverture de la période de déclaration des impôts, en avril prochain, l’intersyndicale réclame de remettre au centre de la réflexion le service aux usagers.
Les demandes, c’est d’avoir un moratoire sur les suppressions d’emploi, et d’avoir de vraies réflexions sur les missions de la direction générale des finances publiques pour avoir un service public qui soit vraiment au service des usagers.
Jean-François Colomé
Jean-François Colomé ne s’en cache pas, il aborde l’avenir « avec un certain pessimisme ».