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Octobre rose : « c’est grâce au dépistage si aujourd’hui je suis là »

Le cancer du sein tue 12 000 femmes chaque année en France. Le dépistage, « simple et gratuit », permet de réduire les risques mais est encore trop peu suivi.

À 58 ans, Claire Leca, enseignante à Gap, apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein, la veille de la rentrée scolaire. Aujourd’hui en rémission, la Haut-Alpine raconte.

On m’a détecté un cancer du sein en septembre 2021 à l’issue d’un dépistage. Je n’ai eu aucun signe précurseur, dans la famille il n’y a aucun cancer et en plus j’étais en parfaite forme, donc il n’y avait rien du tout qui pouvait faire pressentir l’apparition d’un cancer. À l’issue de ce dépistage, on a détecté un cancer agressif, donc j’ai dû être opérée. Et ensuite j’ai eu un protocole assez invasif, si je puis dire, puisque j’ai eu 16 chimiothérapies, 33 radiothérapies et ensuite 5 années d’hormonothérapie. Aujourd’hui, je suis en 3ème année d’hormonothérapie. Le message est positif puisque je m’en sors bien. Je pense qu’on peut dire que c’est grâce au dépistage si aujourd’hui je suis là.

Claire Leca

Promouvoir le dépistage du cancer du sein, c’est justement l’objectif du traditionnel mois d’« octobre rose ». Le docteur Jean-Guy Bertolino, administrateur du centre régional de coordination des dépistages des cancers SUD-PACA, le CRCDC, rappelle l’intérêt de cette démarche, « simple et gratuite ».

C’est un cancer qui est fréquent dans la population, qui est potentiellement grave, avec parfois des séquelles anatomiques et même des traitements lourds, et avec encore pas mal de mortalité. On a les outils qui permettent de le dépister à un stade préclinique : le but, c’est de dépister des petites lésions qui sont asymptomatiques, c’est à dire qui ne se sentent pas, même par l’auto-palpation, et qui ne donnent aucun signe, aucune douleur. Ce sont soit des lésions précancéreuses qui ne sont pas encore des cancers et qui sont traitables facilement, soit des cancers à un stade si précoce que leur traitement va être beaucoup moins lourd qu’un traitement d’un cancer avancé.

Jean-Guy Bertolino

Aujourd’hui en France, le cancer du sein est le plus fréquent et le plus mortel chez la femme, avec 60 000 nouveaux cas en 2023 et environ 12 000 décès par an.

Le dépistage permet justement de réduire le risque. En pratique, chaque femme de 50 à 74 ans reçoit une invitation pour une mammographie tous les deux ans. Jean-Guy Bertolino souligne les deux « gages de qualité » du dépistage : l’examen par un radiologue agréé, et la deuxième lecture du résultat par un autre professionnel.

L’intérêt de ce dépistage organisé, c’est que quand vous allez passer une mammographie, vous avez l’assurance qu’elle va être faite par un radiologue agréé, c’est à dire qui a suivi une formation particulière pour lire ces images de mammographie, avec un matériel qui est régulièrement vérifié pour sa qualité, et avec des personnels, c’est-à-dire manipulateurs etc., qui ont été aussi formés. Donc déjà c’est un gage de qualité. Ensuite, quand la patiente va faire sa première mammographie, si la mammographie est normale, elle va être lue par un deuxième radiologue, un autre radiologue qui ne sera pas en connivence avec le premier. Et cette deuxième lecture va permettre d’obtenir un autre critère de qualité. Il y a 6 % de ces deuxièmes lectures qui sont anormales, qui vont dépister de petits cancers [qui n’avaient pas été décelés lors de la première lecture].

Jean-Guy Bertolino

Le dépistage ne détecte aucune anomalie pour 91 % des femmes. Dans le cas contraire, la patiente suit un examen par le radiologue, qui organise aussi sa prise en charge. Au cours de ce suivi, le cancer n’est finalement pas confirmé chez la grande majorité des femmes. Au total, 0,7 % des patientes qui se font dépister se voient déceler un cancer.

Toutefois, le dépistage reste insuffisant. Alors que l’objectif est fixé à 70 %, il est d’environ 48 % au niveau national et seulement 36 % à l’échelle régionale. Les Hautes-Alpes sont meilleures élèves, avec environ 54 % de femmes dépistées, même si cela reste sous le seuil visé. Cela s’explique par un certain nombre de freins.

Les freins peuvent être multiples : la peur du diagnostic, l’éloignement géographique, il y a des gens qui ne sont pas vraiment dans le réseau de soins, il y a aussi l’éloignement parfois culturel. C’est pour ça que maintenant toutes les actions que l’on fait, c’est d’aller aussi vers des patients qui ne sont pas encore dans le système de soins ou qui en sont éloignés.

Jean-Guy Bertolino

Le CRCDC organise notamment des actions alliant prévention et sport. Après la 2ème édition de la Color Run à Tallard samedi dernier qui a rassemblé 700 personnes, le Trail rose de Gapen’cîmes revient à Gap ce samedi, il est toujours possible de s’inscrire. Le défi connecté d’octobre rose est également relancé au niveau régional avec l’objectif d’engranger le maximum de kilomètres à pied, à vélo, à la nage ou autre durant le mois d’octobre.

Le mot de la fin à Claire Leca.

Faites-vous dépister, c’est vraiment primordial parce que ça n’arrive pas qu’aux autres, donc essayez de le faire. Et puis surtout, restez positif, même si on vous apprend que vous avez un cancer. Aujourd’hui, ça se soigne énormément. Faites du sport, soyez entouré de vos proches et continuez à avoir la vie du bon côté.

Claire Leca