7% des aides aux entreprises pour 13,7% des emplois : les structures de l’économie sociale et solidaire sont moins soutenues par l’Etat que les autres entreprises, selon un rapport de la Cour des comptes
C’est un document qui « tord le cou à la fable d’une économie subventionnée » selon ESS France. Dans un rapport diffusé le 18 septembre 2025, la Cour des Comptes s’est penchée pour la première fois sur « les soutiens publics à l’économie sociale et solidaire ».
L’économie sociale et solidaire (ESS) désigne un mode d’entreprendre qui cherche à concilier activité économique et utilité sociale. La commission d’enquête sénatoriale sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants a évalué à 211 milliards le montant des aides publiques versées aux entreprises1 en 2023. Par comparaison, les 16 milliards d’euros en soutien à l’ESS évalués par la Cour des Comptes ne représentent que 7 % du total des aides aux entreprises alors que les structures de l’ESS représentent 13,7 % des emplois privés en 2021 (selon les derniers chiffres INSEE disponibles).
Paradoxalement, pointe Jean-Claude Eyraud, co-président de l’UDESS 05, ces structures doivent systématiquement justifier de l’utilisation de ces aides, contrairement aux entreprises de l’économie classique.
C’est vrai qu’on nous accompagne financièrement. Mais on rend des comptes et c’est tout à fait normal. Ce qui me choque personnellement à propos des ces fameux 211 milliards [ndlr : montant estimé des aides publiques versées aux entreprises en 2023] c’est que je crois comprendre qu’à l’inverse, les entreprises ne sont pas obligées de rendre des comptes pour les aides publiques qu’elles perçoivent. Je trouve ça anormal.
Jean-Claude Eyraud, co-président de l’Union Départementale de l’Economie Sociale et Solidaire dans les Hautes-Alpes
« Malgré une présence dans tous les territoires et un rayonnement international de la définition française de l’économie sociale et solidaire, celle-ci souffre d’un déficit de visibilité et de notoriété au plan national » écrit par ailleurs la Cour des comptes. Aussi, le président d’ESS France Benoît Hamon estime que « ce rapport constitue une étape décisive dans la reconnaissance de l’économie sociale et solidaire ». Le co-président de l’UDESS 05 Jean-Claude Eyraud y voit une opportunité de ne plus se contenter des strapontins dans les instances de représentation.
Je pense que les acteurs de l’ESS n’ont pas pris conscience de l’importance de ce rapport. C’est peut-être parce que nous faisons partie des anciens, mais nous attendions ce rapport depuis très longtemps et aujourd’hui il tombe. Il va falloir qu’on le popularise, qu’on en parle.
Près de 80 % de ces subventions sont des dépenses pour garantir des droits ou assurer des services dans le prolongement de l’action de l’État, souligne le rapport. Jean-Claude Eyraud prend pour exemple un dispositif d’aide alimentaire développé dans les Hautes-Alpes.
Sur la précarité alimentaire, dans le cadre du pacte local des solidarités, on a signé une convention de partenariat avec le département et l’Etat pour mener tout un travail sur la précarité alimentaire. Et ça c’est bien la démonstration concrète que les acteurs de l’ESS participent aux politiques publiques de l’Etat, des Département et des Régions.
Parmi les recommandations qu’elle formule, la Cour des comptes invite à « stabiliser le pilotage de la politique de soutien à l’économie sociale et solidaire et renforcer la coordination entre l’État et les collectivités territoriales ». Autrement dit pour Jean-Claude Eyraud, il faut un plan, un pilotage, et pour cela, des structures dédiées et financées.
On n’a pas de stratégie d’Etat. Par exemple, certaines CRESS (Chambres Régionales de l’Economie Sociale et Solidaire) sont en crise financière car elles ne sont plus soutenues, à la différence de chambres consulaires comme la Chambre de Commerce et de l’Industrie. Les Régions soutiennent des CRESS mais c’est une année oui, une année non, une année moins. Et si on veut continuer à se développer il faut un pilotage stratégique.
La Cour des comptes note également que les structures ont été encouragées à diversifier leurs sources de financement, sans que cela ne s’accompagne d’une réflexion sur les moyens d’alléger la charge administrative résultante de la multiplication des dossiers de financement et de justification de leur utilisation. Plusieurs portails ont été développés, par type de politiques publiques et catégories d’acteurs économiques, si bien que la Cour les invite à interconnecter ces portails pour permettre un dépôt unique des pièces justificatives demandées dans les dossiers de candidature, afin de respecter le principe « dites-le nous une fois ».
Après ce premier rapport, Jean-Claude Eyraud estime qu’« il serait intéressant d’avoir ce chiffrage pour le département des Hautes-Alpes » rappelant que le poids de l’économie sociale et solidaire dans les emplois y est plus important qu’au niveau national.
1 https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/un-cout-annuel-de-211-milliards-deuros-la-commission-denquete-du-senat-sur-les-aides-publiques-aux-entreprises-reclame-un-choc-de-transparence