Affaire SPA Sud Alpine : un ancien commandant de police de Gap visé par une enquête pour sa participation à des saisies d’animaux

C’est la face cachée du procès prévu le 25 septembre 2025. Alors que la SPA Sud Alpine1et trois de ses membres comparaîtront devant le tribunal de Gap, ram05 révèle qu’un ancien commandant de la police nationale a participé aux côtés de membres de l’association à de nombreuses interventions visant à saisir des animaux domestiques, parfois en dehors de tout cadre légal et en employant des méthodes relevant de l’intimidation, voire de violences morale et physique. Le parquet a ouvert une enquête préliminaire le visant.

Octobre 2022, Gap. Lorsque Pascal*, 70 ans, ouvre sa porte d’entrée et découvre un équipage de trois policiers en uniforme accompagnant deux membres de la SPA Sud Alpine, il ne s’attend pas à ce que la rencontre se termine par des projections de gaz lacrymogène et l’enlèvement de son bouledogue américain.

Sous curatelle renforcée et décrit comme « fragile psychologiquement » par Daniel*, son cousin, Pascal vit dans une maison avec pour seul compagnon son chien « dont il s’occupait bien puisqu’il le sortait tous les matins et tous les soirs ». Un chien « à l’image de son maître, très calme. [Pascal est] assez solitaire naturellement. Il a exercé le métier de berger en montagne pendant longtemps poursuit celui qui a vécu cette scène en direct par le hasard des circonstances ».

La veille, deux membres de la SPA Sud Alpine rendent une première visite à Pascal durant laquelle elles documentent les conditions de vie de l’animal, assurant avoir reçu un signalement anonyme s’inquiétant de son état de santé.

Quand les agents de la SPA et trois policiers, dont un ancien commandant au commissariat de Gap l’abordent à nouveau à son domicile le lendemain, une discussion s’installe autour de la façon dont le maître traite son chien. Le témoignage de Daniel, présent lors des faits, recoupé avec des documents auxquels ram05 a pu accéder, permettent d’attester de la violence de la suite.

En effet, l’échange se tend lorsque le commandant de police indique que des soins vont être proposés au chien et que celui-ci devait être emmené. « Le ton est monté et je suis descendu voir ce qu’il se passait. Les personnes de la SPA et les policiers m’ont dit que je n’avais rien à faire là et m’ont demandé de rentrer chez moi, ce que j’ai fait, mais je suis quand même resté sur ma terrasse », raconte Daniel. Mettant une nouvelle fois en avant les conditions d’hygiène dégradées, une agente prévient qu’elle va récupérer le chien. « Le ton a continué à monter et à un moment j’ai entendu mon cousin hurler, mais vraiment hurler, disant qu’ils n’avaient rien à faire ici et qu’il n’avait aucun contentieux avec ses voisins. » Selon les documents consultés, toujours sur le palier de la porte, de dépit, Pascal finit par jeter la laisse avec laquelle il tient son animal. Alors qu’un agent de la SPA s’en saisit, le septuagénaire tente de s’enfermer chez lui avant que le commandant de police demande à un membre de l’équipage de projeter du gaz à l’intérieur du domicile pour le faire sortir. « Quelqu’un a sorti une bombe lacrymogène et ils ont projeté du gaz sur mon cousin, dans son chez lui, et il l’ont mis à terre [ndlr : dehors], un peu violemment. » Le commandant de police répète que le chien va être apporté chez un vétérinaire et que les services sociaux vont être envoyés. « Il s’est tu car il était assommé. Il pleurait. Ils ont pris le chien et ils l’ont emmené ». Le chien ne regagnera jamais son foyer. Contacté par ram05, Pascal n’a pas répondu à nos sollicitations. « Il n’a pas repris de chien suite à cette affaire. Ça l’a abattu complètement et il est quasiment sans ressort aujourd’hui. » conclut Daniel.

Un ancien commandant du commissariat de Gap visé par une enquête

« C’est un dossier dans lequel il est évident qu’il y a des choses graves qui doivent être poursuivies » estime Maître Henderycksen, qui représentera les parties civiles à l’audience du 25 septembre.

Plus largement, ce dossier s’inscrit dans une longue série de dizaines d’interventions souvent basées sur le même procédé : un premier passage de la SPA Sud Alpine, puis, selon le degré de coopération des personnes ciblées, de nouvelles visites en présence de policiers, ou, hors-secteur police, de gendarmes. « La présence de forces de l’ordre peut interroger quant au point de savoir si elle n’avait pas pour fonction de cautionner, même passivement, le discours des agents de la BISA2, semble-t-il en substance le suivant : soit vous nous remettez vos animaux, soit il y aura des poursuites judiciaires » résume Maître Henderycksen. C’est d’ailleurs ce qui a dissuadé Daniel de s’opposer lorsque son cousin a été pris pour cible  : « J’avais imaginé que pour intervenir il fallait quand même un papier du procureur, mais le fait qu’il y ait eu la police derrière a fait un effet caution » confie-t-il.

Particulièrement investi dans ces interventions, l’ancien commandant de la police de Gap fait actuellement l’objet d’une enquête préliminaire confiée à l’état major de la direction zonale de la police nationale, a appris ram05. La procureure de la République de Gap Marion Lozac’hmeur indique avoir « saisi, à l’issue des investigations de la gendarmerie, un service de police sur des faits concernant un agent de police, alors en poste à Gap (cela n’est plus le cas) et il n’y avait pas d’ordonnance concernant ces animaux, précisant que l’enquête concernant ce policier a été disjointe [ndlr : de la première enquête qui a débouché sur le procès initialement prévu le 27 mars 2025, reporté au 25 septembre] ». À ce procès, seules trois bénévoles de l’association sont convoquées, notamment pour avoir filmé des interventions de la SPA Sud Alpine sans le consentement des propriétaires d’animaux et avoir obtenu de leur part la signature de formulaires d’abandon sous la menace de poursuites judiciaires. Représentée par sa présidente, l’association comparaîtra également en tant que personne morale pour l’émission d’une fausse facture.

Questionnée sur les agissements du policier et sur d’éventuelles sanctions, la Direction Interdépartementale de la Police nationale des Hautes-Alpes a répondu à ram05 attendre « la tenue du procès prévu en septembre prochain afin d’apprécier l’opportunité d’engager une procédure disciplinaire […]. En cas de condamnation de policiers, des poursuites disciplinaires seraient engagées ».

L’implication de la police, grande absente du procès SPA du 25 septembre

Pour Me Henderycksen, en l’état, le procès à venir n’est pas exhaustif. D’une part, les faits d’extorsion qui ont été commis ne sont pas tous visés : « il y a, à ma connaissance, plus de personnes que celles qui sont convoquées en qualité de partie civile qui en ont été victimes ». De fait, face à l’afflux de plaintes reçues, la gendarmerie avait mis en place à la demande du parquet de Gap un document type de lettre plainte pour faciliter leur traitement.

D’autre part à cause de l’étroitesse des faits et des acteurs poursuivis. « Si mes clients se réjouissent de l’ouverture d’une enquête sur les agissements de ce policier dont tout laisse à penser qu’il était le moteur de la mobilisation de ses collègues, ils regrettent que l’action engagée ait été disjointe du procès. Je les rejoins sur ce point » réagit Me Henderycksen. En effet, pour l’heure, la participation et la méthode des forces de l’ordre n’est pas au programme. Celle-ci est pourtant largement documentée par l’existence de vidéos tournées par la SPA Sud Alpine elle-même lors des interventions, et, selon les informations de ram05, saisies lors de la perquisition dans les locaux de l’association. Leur projection à l’audience permettraient « lever le voile sur certaines zones d’ombres encore aujourd’hui persistantes » estime Me Henderycksen.

Ram05 n’a pas réussi à entrer en contact avec l’ancien commandant qui n’est plus en fonction dans le département des Hautes-Alpes.

1 Association affiliée à la Confédération Nationale Défense de l’Animal, créée en 1972

2Brigade d’Intervention et de Sauvetage Animalier : groupe sans aucune reconnaissance institutionnelle, créée par la SPA Sud Alpine

* le prénom a été modifié

L’article a été modifiée le 5 septembre 2025 à 15:17