Cervières : une enquête ouverte suite à des travaux en rivière dans le marais du Bourget
Information ram05 | Une enquête est en cours à Cervières suite à des travaux menés dans le lit de la Cerveyrette, au niveau du marais du Bourget. Selon plusieurs associations de protection de la nature, ils auraient été réalisés par la commune sans autorisation, alors que ce secteur et sa biodiversité sont situés dans une aire protégée.
« Je ne suis pas allée voir les travaux, parce que jamais on a pensé qu’ils allaient faire ça. On ne s’en est rendu compte qu’une fois que c’était fini », se désole Bernadette Brunet, présidente de l’AESC, l’Association pour l’étude et la sauvegarde de la vallée de Cervières. « J’ai vu passer des camions, j’aurais dû me précipiter mais de toute façon je n’aurais rien changé. Ça m’avait étonné quand même », raconte la bénévole.
D’après l’AESC, le chantier se serait déroulé « dans la semaine du 7 octobre » et a consisté en du « curage » et de l’« endigage » de la Cerveyrette, la rivière qui traverse le marais, situé en amont de Cervières. Bilan : des travaux qui « ont massacré une zone de plus de 600 mètres », selon les mots de l’association.
Hervé Gasdon, président de la SAPN – FNE 05, Société alpine de protection de la nature – France Nature Environnement, qui s’est mobilisée sur ce sujet, dresse l’état des lieux.
Il y a quelques semaines, certains Cerveyrains et Cerveyraines ont pu constater des travaux dans la plaine du Bourget pour pouvoir « recanaliser » la Cerveyrette. C’est une zone peu profonde et peu pentue, une zone d’épandage, humide, et donc c’est le libre cours de la Cerveyrette que de pouvoir s’étaler comme ça. Et c’est aussi une protection contre les inondations pour l’aval : plus on canalise une rivière, plus les crues sont importantes à l’aval. Il y a eu des travaux de terrassement qui ont consisté à faire une digue avec les matériaux prélevés sur place, avec des engins relativement importants, qu’il faut déjà monter jusqu’à la plaine du Bourget. Ce sont de gros travaux qui ont été faits.
Hervé Gasdon
Une zone naturelle protégée
Or, le marais du Bourget est un secteur naturel remarquable et fragile.
Il est en effet cité par le Conservatoire d’espaces naturels Provence-Alpes-Côte d’Azur comme l’« un des plus grands ensembles tourbeux […] des Alpes du sud ». Le CEN PACA note la présence de plusieurs espèces emblématiques, dont de nombreuses orchidées, l’herbe à bison et l’utriculaire naine, des plantes toutes protégées, ainsi que la libellule cordulie arctique et le criquet ensanglanté.
Le marais du Bourget est également recensé dans l’inventaire national des ZNIEFF, Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique, qui signale la « très grande valeur patrimoniale » de ses marécages. Enfin, ce secteur est inclus dans une aire protégée Natura 2000 et est donc identifié « pour la rareté ou la fragilité des espèces de la flore et de la faune sauvage et des milieux naturels » qu’il abrite.
C’est une zone qui est extrêmement riche, la qualité du marécage est assez rare dans les zones de montagne. C’est un endroit qui est bien connu au niveau floristique, faunistique, au niveau naturel, mais aussi au niveau touristique. La zone est relativement fréquentée pour la randonnée, le ski de fond et les raquettes. C’est une zone qui est très belle.
Hervé Gasdon
Les travaux ont-ils été réalisés dans les règles ?
Problème : les travaux réalisés le mois dernier auraient été conduits par la commune de Cervières sans que celle-ci en ait demandé l’autorisation aux services de l’État, selon les quatre associations mobilisées. L’AESC, la SAPN – FNE 05, Mountain Wilderness et Arnica Montana expliquent s’être « renseignées auprès des services préfectoraux », qui leur auraient signifié qu’« il n’y a eu aucune demande de faite », d’après Hervé Gasdon. « Notre surprise a été importante », ajoute ce dernier, sachant qu’une telle procédure permet notamment d’évaluer les incidences d’un chantier sur le milieu naturel.
Les associations annoncent avoir sollicité le préfet des Hautes-Alpes via un courrier commun envoyé fin octobre.
Lorsqu’il y a les travaux de cette importance, il faut normalement commencer par demander une autorisation. Surtout que là, il n’y avait pas d’urgence, il n’y avait pas de crues en cours. Donc il y avait tout le temps de pouvoir faire cette demande d’autorisation auprès des services préfectoraux. Notre démarche est, dans un premier temps, d’interpeller monsieur le préfet pour lui demander comment se fait-il que, sans autorisation, des travaux ont été faits dans la plaine du Bourget, et quelles sont les actions qu’il compte mener par rapport à ça. Nous serions satisfaits de voir une instruction de la part des services pour pouvoir voir où sont les responsabilités.
Hervé Gasdon
Questionnée sur l’existence ou non d’une demande d’autorisation, la préfecture des Hautes-Alpes explique à ram05 que « les services de l’État, et plus spécifiquement l’OFB [Office Français de la Biodiversité, ndlr] ont bien connaissance de cette situation », mais qu’« une enquête étant en cours [elle] ne [peut] communiquer sur le sujet ».
En effet, jointe par ram05, Marion Lozac’hmeur, procureure du tribunal judiciaire de Gap, « confirme qu’une enquête est en cours, menée par les services de l’OFB » et qu’elle « [communiquera] sur son issue et son contenu quand elle sera clôturée et que le parquet se sera déterminé sur les suites apportées ».
Les associations mobilisées estiment que ces travaux pourraient avoir eu pour objectif de protéger des inondations un parking proche, la route d’accès aux Fonts de Cervières, ou encore les pistes de ski de fond attenantes.
Sollicité par ram05, le maire de Cervières, Jean-Franck Vioujas, ne nous a pas répondu.