Le sénateur des Hautes-Alpes Jean-Michel Arnaud opposé au recul de l’âge légal de la retraite

Le projet de réforme des retraites passe en commission mixte paritaire demain mercredi puis sera en vote à l’assemblée nationale et au Sénat jeudi. Après les deux députés haut-alpins, ram05 a interrogé le sénateur Jean-Michel Arnaud sur sa position face à cette réforme.

Le projet de réforme des retraites a été adopté par le Sénat ce samedi 11 mars par 195 voix pour et 112 contre. 37 sénateurs se sont abstenus, parmi lesquels celui des Hautes-Alpes, Jean-Michel Arnaud.

Siégeant comme indépendant au sein du groupe Union centriste et membre de la majorité à la chambre haute, l’élu est pourtant opposé au recul de l’âge légal de 62 à 64 ans. Jean-Michel Arnaud a ainsi déposé un amendement supprimant l’article 7 qui acte cette disposition. L’amendement rejeté, le sénateur a logiquement voté contre le fameux article 7.

Pour l’élu haut-alpin, le recul de l’âge légal est en effet injuste et liberticide.

Injuste tout d’abord. Pour Jean-Michel Arnaud, il faut « trouver près de 170 milliards d’euros sur les 10 prochaines années » pour combler le « déficit projeté » du système des retraites, mais il existe d’autres solutions.

Il y a une injustice à faire porter uniquement aux salariés le financement du système de répartition. Je pense qu'il y avait la possibilité de travailler un "cocktail" pour allier plusieurs sources de financement. Déjà, passer peut-être à 36 ou 37 heures de travail hebdomadaires. Ensuite, taxer davantage les très grandes entreprises qui génèrent du dividende important auprès de leurs actionnaires. Enfin, aller chercher une cotisation sur les hauts salaires.

Jean-Michel Arnaud

Et liberticide ensuite. Le sénateur des Hautes-Alpes s’en explique.

La mesure d'âge est une entrave à la liberté individuelle d'organiser sa retraite, selon les situations de vie qui sont différentes. Je pense utile de laisser la possibilité de partir à la retraite à 60 ans avec une décote. Et de pouvoir pour ceux qui le souhaitent, car le travail n'est pas forcément une aliénation, valoriser sa retraite à 63, 64, 65 ans. Le couperet de l'âge me paraît trop brutal, il faut laisser respirer les gens dans l'organisation de leur vie au-delà de 60 ans.

Jean-Michel Arnaud

Au-delà de la mesure d’âge, le gouvernement « a fait les choses dans le désordre », estime l’élu. Il aurait fallu commencer selon lui, suite à la période Covid, par « s’interroger et établir les nouvelles relations que les Françaises et les Français entretiennent avec le travail ».

Malgré ces désaccords, si Jean-Michel Arnaud n’a pas voté contre le texte et s’est finalement abstenu, c’est en raison des « avancées » obtenues par le Sénat, explique-t-il.

À savoir « la création d’un contrat de fin de carrière pour favoriser le recrutement des salariés seniors ; maintenir à 60 ans l’âge de départ anticipé pour toute personne frappée d’une incapacité permanente, notamment les personnes victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ; attribuer une surcote à partir de 63 ans aux mères de familles ayant accompli une carrière complète ; ou encore pour les élus avoir la possibilité d’intégrer les mandats électoraux dans la liste des situations donnant droit au rachat de trimestres ». Ainsi que « la privation des majorations de pension pour les parents condamnés pour violence et maltraitances à l’égard de leurs enfants ».

Le texte poursuit désormais son chemin. Une commission mixte paritaire, réunissant sept députés, sept sénateurs et autant de suppléants doit demain mercredi chercher un compromis sur les mesures que l’Assemblée nationale et le Sénat n’ont pas votées dans les mêmes termes. Si députés et sénateurs parviennent à un accord, celui-ci devra être validé jeudi 16 mars au Sénat, puis à l’Assemblée nationale. Ce dernier vote vaudra adoption définitive par le Parlement.

Jean-Michel Arnaud attend de savoir si ces « avancées » sont intégrées dans la version définitive du texte pour se prononcer sur son vote. Il envisage une abstention ou un vote contre si elles ne sont pas retenues.

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Et la retraite des sénateurs ?

Mediapart a révélé la semaine dernière que les sénateurs bénéficient d’un des systèmes les plus favorables de la République, avec une pension moyenne de 4 400 euros par mois pour en moyenne douze ans de cotisation. Pour comparaison, selon les statistiques officielles, la retraite moyenne en France est de 1 400 euros net, pour quarante ans de cotisations.

Jean-Michel Arnaud ne se dit pas opposé à une réforme du régime de retraite des sénateurs, tout en rappelant quelques chiffres.

« Un régime autonome est un régime qui s’autofinance ; l’âge de départ moyen des sénateurs est 72 ans ; la cotisation mensuelle pour un sénateur est le double de celle d’un député, à hauteur de 1000 euros, et de 20 % supérieure à celle d’un député, car le mandat est de 6 ans et non de 7 ans. Il y a environ de 250 à 300 millions de réserve, compte tenu du fait que les sénateurs qui cotisent ne font droit à leur régime de retraite qu’à 73 ans et non 64 ans, et donc le régime s’équilibre. Pour un mandat de sénateur, quand vous partez à 73 ans, c’est en moyenne 2200 euros de retraite. Cela n’enlève en rien que le régime d’un sénateur est bien plus favorable que celui d’un agriculteur, ce que je suis, qui après 40 ans de cotisation touche un peu plus de 1000 euros de retraite mensuel », expose l’élu.

Le sénateur des Hautes-Alpes ajoute : « Si le bureau du Sénat envisageait de réformer le régime de retraite des sénateurs, je regarderai la façon dont les choses peuvent se mettre en place et je ne m’y opposerai pas par principe ».