Gap : les salariés d'Enedis, en grève depuis le 16 mars, portés par les actions de solidarité
Qu’est-ce qui fait tenir les salariés d’Enedis à Gap, en grève contre la réforme des retraites depuis le 16 mars et le passage en force du texte avec l’utilisation du 49.3 par le gouvernement ?
"19e jour de grève" annonçait fièrement une camionnette à l’entrée de la base d’exploitation Enedis à Gap lundi 3 avril. Sous les barnums dressés par la CGT des Hautes-Alpes, des canapés où les salariés se relaient H24 sur le site. Chaque nuit, trois à quatre d’entre-eux dorment sur place. Selon Jems Condaminet, secrétaire adjoint de la CGT mines énergie des Alpes du sud, chaque jour, on compte entre 40 et 70 % de grévistes parmi la cinquantaine d’agents du site, chargés de la maintenance et de la modernisation du réseau électrique.
Il y a une vraie volonté de s'inscrire dans l'effort national qui permet de mettre la pression sur le gouvernement au niveau politique et économique, et aussi de fédérer localement, avec la visibilité qu'on a. Ça permet aux gens de savoir qu'ils ne sont pas tout seuls et qu'on est en soutien, qu'on est opposés à cette réforme qui n'a aucun sens.
Jems Condaminet, secrétaire adjoint de la CGT Mines énergie des Alpes du sud et salarié d'Enedis
Devant le site, les trois engins bleus sont immobilisés et, sur leurs bras articulés, des pancartes préviennent : « Macron 49.3, si tu comprends pas, il va faire tout noir ». Les engins ne sortent plus que pour des activités prioritaires, selon Jems Condaminet, à l'origine de cette mobilisation.
C'est-à-dire tout ce qui est interventions de sécurité, de dépannage, et les mises en service aussi, c'est important pour nous que les gens puissent continuer à bénéficier d'énergie.
Jems Condaminet
En revanche, tous les chantiers sont à l’arrêt. De même que les raccordements de nouvelles centrales solaires.
Ces producteurs qui sont là surtout pour faire de l'argent et pas s'impliquer dans la production nationale, eux aussi, sont impactés financièrement.
Jems Condaminet
L’objectif ?
Au niveau national, avoir des baisses de charges sur l'ensemble du réseau de distribution, ce qui oblige le gouvernement à acheter de l'énergie sur le marché européen. Ce qui a un impact financier très important, estimé à 450 millions d'euros par semaine.
Jems Condaminet
Les salariés luttent pour le régime général, mais aussi pour leur régime des industries électriques et gazières (IEG), un des régimes spéciaux que la réforme des retraites a supprimé. Jusqu’alors les salariés des IEG en service actif pouvaient partir dès 57 ans, pour compenser la pénibilité du travail, les astreintes de nuit et leur impact sur la vie privée. Cet âge est reculé à 59 ans et, à partir du 1er septembre, les nouveaux embauchés n’en bénéficieront pas, faisant craindre à terme une disparition de ce régime.
Patates, compotes, jus de fruit, miel : ce matin là, deux agriculteurs du Modef (mouvement de défense des exploitations familiales), chaleureusement applaudis, sont venus donner des denrées collectées auprès d’agriculteurs du sud du département. Christian Reynaud est président pour les Hautes-Alpes de ce petit syndicat paysan et éleveur ovin ; Lucile Illy est secrétaire départementale et arboricultrice.
Nous, on ne peut pas faire grève et les gens qui font grève perdent une journée de salaire à chaque fois, c'est histoire de leur dire "Vous n'êtes pas tout seuls".
Christian Reynaud, président du Modef 05, éleveur ovin et maraicher
Il y a des gens qui passent tous les jours sur le piquet pour partager un moment avec eux [...]. C'est une expérience humaine forte, qui est fatigante, usante, intense, mais je pense qu'ils s'en rappelleront pendant quelques années.
Alexandra Pourroy, chargée de communication de la CGT 05
Caisses de solidarité spontanées lors des manifs, boulangers qui déposent du pain, charpentier qui vient faire des crêpes, concerts de musiciens locaux, les soutiens au piquet de grève ne manquent pas. Pour Alexandra Pourroy, de la CGT Hautes-Alpes, c’est un autre modèle de société qui se construit dans cette lutte.
Elle est revenue gonflée à bloc du congrès de CGT qui, la semaine dernière, a élu Sophie Binet à sa tête.
On voit que des luttes qui paraissent toutes petites comme Enedis ici à Gap, il y en a partout, dans tous les départements.
Alexandra Pourroy
Et Sophie Binet, la nouvelle secrétaire générale de la CGT a prévenu, ce qu’elle veut obtenir de la rencontre prévue demain entre les syndicats et la Première ministre, c’est « le retrait de la réforme des retraites ». « On ne peut pas parler d'autres sujets tant qu'on ne retire pas cette réforme », a-telle déclaré hier sur France Inter.